URE-EM : Projets Récents

Projet RESISTANCE

La résistance aux insecticides, frein aux stratégies de lutte anti-vectorielle

La résistance aux insecticides, et en premier lieu à la deltaméthrine, est très largement implantée à Nouméa. Les données sur cette résistance et les mécanismes impliqués sont malheureusement très parcellaires pour le reste de la Nouvelle-Calédonie. La résistance à la deltaméthrine impacte clairement l’efficacité des stratégies de lutte conventionnelle et en particulier les pulvérisations spatiales d’insecticides. De plus, une différence de résistance marquée entre les Aedes aegypti de terrain et ceux relâchés dans le cadre du World Mosquito Program (WMP) pourrait défavoriser ces derniers en cas de traitement insecticide, et donc impacter négativement l’installation de Wolbachia.

Dans le contexte d’extension du WMP en Nouvelle-Calédonie, le projet RESISTANCE (Etude de la résistance d’Aedes aegypti en Nouvelle-Calédonie) s’attache à évaluer les niveaux de résistance aux insecticides de différentes populations d’Aedes aegypti du territoire avant la mise en œuvre de ce programme en dehors de la ville de Nouméa. Ces données permettront d’adapter la production et les lâchers d’Aedes aegypti porteurs de Wolbachia au profil de résistance aux insecticides observés dans les différents sites de la Nouvelle-Calédonie.

Ce projet, financé par le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, est mené en collaboration étroite avec la DASS-NC et les mairies concernées. En 2020 et 2021, 17 populations de moustiques ont été échantillonnées sur la Grande Terre (Koutio, Dumbéa, Tontouta, Païta, Yahoué, La Coulée, Nouméa, Koumac, Koné, Bourail, Poindimié, Thio) et sur les îles (Ouvéa Fayaoué et Saint-Joseph, Lifou, Maré, Ile des Pins). Sur les 12 populations de la Grande Terre testées, toutes se sont avérées résistantes à la deltaméthrine (36 à 90% de mortalité à la dose diagnostique OMS). Aucune résistance n’a en revanche été détectée sur Ouvéa (2 populations testées, 100% de mortalité). La caractérisation génétique de la résistance de ces populations à la deltaméthrine a mis en évidence la présence de deux mutations du canal sodium (cible de la deltaméthrine) largement présentes sur l’ensemble du territoire (mutation kdr I1011M et F1534C).

De tels niveaux de résistance à la deltaméthrine impacteront nécessairement l’efficacité des futurs traitements de lutte anti-vectorielle. Il convient donc de se tourner vers d’autres stratégies telles que l’utilisation de Wolbachia en blocage de la réplication virale, stratégie dont l’intérêt en santé publique pour lutter contre la dengue est aujourd’hui reconnue par l’OMS.

 

Projet VECPAE

Un nouvel outil d’identification des moustiques et de détection de Wolbachia

L’URE-EM s’intéresse à l’identification des moustiques vecteurs et au risque d’introduction de nouvelles espèces. La Nouvelle-Calédonie est de plus en plus confrontée à ce problème, notamment du fait de l’augmentation des échanges internationaux durant les années précédant la pandémie de COVID-19. Ce problème ne concerne pas uniquement la Nouvelle-Calédonie, mais également l’ensemble des Etats et Territoires Insulaires Océaniens (ETIO). Il existe un grand nombre d’espèces de moustiques vecteurs du virus de la dengue dans le Pacifique. La plupart de ces espèces appartiennent au groupe scutellaris et sont morphologiquement très semblables. Leurs identifications nécessitent donc une expertise importante qui n’est pas toujours disponible sur place. Le projet VECPAE (Vecteurs d’arbovirus dans le Pacifique : diversité, répartition et outils d’identification des Aedes sp. pour la santé publique), financé en partie par le Fond Pacifique, vise à répondre à cette problématique.

Un outil d’identification rapide des moustiques a été mis au point sur les espèces de Nouvelle-Calédonie et sur deux espèces récemment introduites. Cet outil d’identification est basé sur des techniques modernes d’identification (Biologie Moléculaire et Spectrométrie de Masse MALDI-TOF) et présente une excellente sensibilité et spécificité permettant l’identification correcte de 96% des moustiques testés. Fort de ces résultats publiés en 2020 (Rakotonirina et al., 2020), la base de données MALDI-TOF a été enrichie avec d’autres espèces absentes de Nouvelle-Calédonie appartenant au groupe scutellaris. Grace à des collaborations avec Fiji, Wallis et Futuna, et les Instituts Pasteur du Laos, du Cambodge et de Madagascar, cet outil permet aujourd’hui l’identification de 6 espèces de ce groupe, et est utilisable à l’échelle régionale et internationale pour identifier ces espèces et d’autres espèces d’intérêt médical (Fig 1). Il permettra entre autres un appui aux ETIO en cas de suspicion d’introduction de nouveaux vecteurs.

Figure 1 : Six espèces de moustique morphologiquement très proches identifiables grâce au MALDI-TOF

Pour pousser plus loin l’utilisation du MALDI-TOF en entomologie médicale, nous nous sommes intéressés à la capacité de cet outil à détecter la présence de Wolbachia chez Aedes aegypti. En collaboration avec l’Institut des Sciences Exactes et Appliquées (ISEA) de l’Université de Nouvelle-Calédonie (UNC), des spectres de moustiques Aedes aegypti capturés sur le terrain ont été générés et analysés par des réseaux de neurones convolutifs, technique appartenant au domaine de l’intelligence artificielle. Le MALDI-TOF, couplé à ces techniques modernes d’analyse de données, s’est avéré aussi performant que les techniques de biologie moléculaire couramment utilisées dans le cadre du WMP. Ces résultats ont été publiés en 2021 dans la revue Scientific Report (Rakotonirina et al., 2021).